On vous l'avait raconté, il y a parfois quelques moments difficiles, quelques plans un peu foireux au cours de notre odyssée. Mais nous en sommes désormais certains : après la pluie vient le beau temps, après un ratage vient systématiquement une bonne surprise (si si c'est scientifique), même si après les cocotiers viennent encore et toujours les cocotiers. Lorsque nous avons quitté notre petit coin de paradis de Gokarna, toujours accompagnés de Pavlo et Ivan, deux jeunes ukrainiens charmants voyageants en auto-stop, nous avons trouvé un nouveau coin très tranquille, si l'on excepte nos admirateurs plutôt nombreux à la sortie de l'école. Nouveauté toutefois pour la Toquée : la baignade habillée. En territoire musulman et hindou, inutile d'en rajouter au spectacle. Nous y avons passé une soirée sympa, dans les charmes du voyage il y a ces moments où on se retrouve dans le Toqcar à regarder des photos d'Ouzbékhistan, avec des ukrainiens, sur une plage du Sud de l'Inde.
Le lendemain nous avions l'intention de camper sur une plage qu'on nous avait indiquée dans le Kerala. Il faut tout de même dire que cette région d'Inde est splendide : une nature foisonnante verte, colorée, tropicale, des canaux - les backwaters - absolument partout, ce qui vous laisse tout de même imaginer le climat, très chaud et très humide et les bestioles, très envahissantes. Arrivés à l'endroit prévu en beaucoup plus de temps que prévu, nous avons réalisé que la plage en question était en bord de route, ce qui signifie très exposée aux passants et avons, avec l'optimisme qui nous caractérise, décidé de poursuivre notre chemin afin de trouver mieux. C'est ainsi qu'en pleine nuit, après une route un peu compliquée, que n'ont pas arrangé les vomissements d'Ulysse, la diarrhée de Gaspard ni le semi-enlisement du Toqcar dans un endroit que nous serions bien incapable de placer sur une carte d'Inde mais où en moins d'une minute nous ont rejoint plus de 60 personnes (on les a comptés), nous nous sommes posés, non loin de la mer, dans un champ, apparemment désert que son propriétaire nous prêtait. En moins d'une minute c'était 100 jeunes surexcités qui entouraient le Toqcar, frappant à la porte, aux fenêtre, riant, criant, nous obligeant à nous calfeutrer à l'intérieur. C'est là que nous apprécions l'air conditionné et nos volets. J'ai cru que j'allais péter une durite même si je ne sais pas ce que c'est, et que mon doux époux allait étrangler quelque indien et lui enseigner la non-non-violence. Nos courageux ukrainiens sont partis nous chercher un remède alcoolisé à la première ville, nous avons organisé une de nos fameuses soirées vidéo pour les enfants, et avons fini par beaucoup rire et nous coucher un peu trop tard.
De toute façon, vu que toute la nuit, les rickshaws, les motos et tous les environs ont défilé à notre porte, nous ne risquions pas beaucoup dormir. Nos jeunes invités ont quand même monté leur tente sur la plage.
A 6h30 le matin, enfants et adultes étaient déjà très nombreux autour du camping-car, et très bruyants (dans ces cas-là beaucoup ont leur brosse à dents à la bouche, ils viennent faire leur toilette en nous regardant), et nous avons vu nos amis campeurs arriver, une demie-heure plus tard, entourés d'une troupe de 50 enfants, qui leur ont fait l'honneur de leur chanter une chanson devant la tente pour les réveiller...
Nous avons pris la fuite, la route nous a conduits à un bac, moment réjouissant pour tous, et après avoir de nouveau quitté de nouveaux amis, nous avons filé dans la direction de Cochin.
C'était la pluie.
Le beau-temps le voici : après avoir visité un lieu où les cornacs chouchoutent les éléphants consacrés à des cérémonies religieuses, nous nous sommes retrouvés par le plus grand des hasards et beaucoup de culot (il en faut en matière de météo), dans un village de pêcheurs à une soixantaine de kilomètres au Nord de Cochin. En plus des paysages idylliques, les habitants ont été plutôt discrets et totalement absents de nos parrages dès la tombée de la nuit, et surtout nous y avons fait des rencontres passionnantes. Sree, lycéenne de 17 ans, qui avec sa famille nous a expliqué leur vie et la façon dont les cocotiers servent à tout : nourriture, fabrication de la corde, des murs, des nattes, des toitures, de jouets, de balais etc etc. Vraiment formidable pour nous européens empotés de voir à quel point on peut vivre en totale harmonie avec la nature et dans la plus grande simplicité (mais pour certains aussi quand même une grande pauvreté). Christophe s'est aussi fait un ami avec qui il a passé de longues soirées à bavarder et qui nous a invités à partager un petit-déjeuner chez lui, sous les portraits de Gandhi et de Marx, puisqu'il faut savoir que le Kerala est un état marxiste. Mais d'une belle mixité religieuse : les temples cotoient les églises qui jouxtent les mosquées (et tous s'en donnent à coeur joie le matin dès 5h, le bonheur).Nous avons pu découvrir la fabrication de bateaux et avons été invités à l'inauguration d'un festival de musique qui aura lieu en janvier (ils voulaient tous qu'on revienne), nous avions pour une fois une excuse pour ne pas écouter les discours des officiels, les enfants ont fait des parties endiablées de bouée de pêche sur les filets des pêcheurs, le tout sur un fond de soleil couchant avec bancs de dauphins qui passent au loin... comment vous dire... tout simplement de quoi faire rêver mon tonton Cristobal.
Nous sommes repartis totalement réconciliés avec les indiens et l'Inde, qui est vraiment comme ses saisons, sans nuance aucune, capable du pire et du meilleur.
Nous aurions beaucoup à vous raconter sur tout ce que nous avons appris, découvert sur l'Inde, sur nous, sur les réactions des enfants, le succès de Babar qui parle Mayalaram et est propre (dieu merci car les couches indiennes sont trop petites pour lui), sur Ulysse et Rachel qui parlent de mieux en mieux anglais, mais nous avons un nouvel objectif : nous mettre enfin dans le bain de Noel. Nous sommes chez nos amis anglais rencontrés en Iran, à Fort Cochin. C'est beau, c'est reposant. Nous allons décorer la maison, faire quelques courses top-secrètes, demain soir nous dînons au restaurant en bord de mer, puis messe de minuit à la basilique et le 25 nous mijotons tous ensemble un festin anglo-franco-indien et qui sait... peut-être le Père Noel nous aura-t-il trouvés. Mais avant de partir il devra se découvrir, dehors il fait très très chaud.
Joyeux Noël à tous !