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vendredi 9 novembre 2007

Chapitre 5 - The Rolling Toqs et le Pakistan en état d'urgence

Ayant passé la frontière irano-pakistanaise plus vite que prévu, nous avons pu rouler assez longuement, et sans escorte (oui, les deux sont liés) pour parvenir à la petite ville de ?????? . Les paysages étaient déjà différents : plus déserts, et surtout si les femmes en noir avaient disparu, c'est surtout parce que les femmes en général avaient disparu. En revanche les hommes, dans ce costume que j'adore et qui a l'air si confortable, étaient omni-présents et très curieux.

Un officier des douanes nous avait conseillé de dormir au "custom office" et nous avons réalisé qu'il paraissait naturel aux militaires pakistanais de loger les touristes dans l'enceinte de leurs bâtiment. Nous nous sommes donc arrêtés, épuisés mais ravis, dans une jolie et paisible forteresse de terre, au milieu du désert balouchistan côté Pakistan. Accueillis comme des rois, nous avons pu prendre le thé et discuter un peu avec nos hôtes, qui nous ont aussi invités à dîner à la cantine de la caserne.

Nous nous sommes retrouvés assis parterre, entourés d'hommes en armes vêtus de ce costume pakistanais que j'adore (je l'ai déjà dit ?), à observer et imiter leur façon de manger, de la main droite, sans couverts, et à essayer de communiquer. Nos enfants étaient parfaits, grimaçant à peine à cause des épices (mais nous avons un truc secret : nous les nourrissons avant les repas désormais), même notre Babar national se tenait bien, l'ambiance était parfaite. Un officier est alors arrivé, l'oreille collée à son poste de radio grésillant, tentant de nous expliquer une histoire d'état d'urgence, de président, de gouvernement, de liesse populaire, de militaires réquisitionnés... Nous ne comprenions pas grand chose mais devions avoir l'air suffisamment affolé puisqu'il n'a ensuite cessé de nous rassurer "no problem no problem"... Nous ne captons rien à la radio, et ne parvenons pas à trouver le moindre réseau téléphonique, nous pensons alors que nous sommes dans une région trop désertique, et puis que c'est toujours la même histoire au Pakistan... Nous dormons très très bien, parce que nous avions enfin passé cette région du Balouchistan iranien qui nous inquiétait tant. Aux innocents les nuits pleines.

Réveil à l'aube le lendemain, pour rejoindre Quetta. Nous n'avons pas de roupies pakistanaises, plus beaucoup de nourriture - je parle pour les autres, moi je suis très dégourdite et je dégotte toujours ce qu'il faut pour mes mini-toqués - mais assez d'eau et de bidons de diesel iranien, (d'ailleurs notre odorat a dû en prendre un coup vu l'odeur dans le Toqcar). Voilà notre folle équipe repartie dans le désert du Balouchistan, pakistanais cette fois-ci. Et quel spectacle !!! Malgré la difficulté de la route pour notre Toqcar pas du tout 4x4 mais au conducteur tout-terrain, nous en prenons plein les yeux. Et là encore, la présence de nos accolytes nous permet de profiter du paysage malgré les dromadaires, camions, dos d'ânes, passages sablonneux et frayeurs.

Nous ne sommes toujours pas escortés, mais nous devons nous arrêter, très/trop régulièrement, à des chek-points militaires. Gentiment, au début, nous remplissons des registres, avec nos numéros de visas, noms et tout le toutim, assez long pour notre véhicule.

Entre temps, nous récupérons une liaison téléphonique et recevons alors des sms assez mystérieux : "savons que les communications sont coupées, patientons" nous dit ma mère. " As-tu reçu mon mail, sinon en cas de gros pb au Pakistan, appelle-moi" me dit une amie bien informée... Nous commençons à nous dire qu'il doit y avoir piballe sous cailloux, ou dromadaire sous dune, ou militaire sous palmier. Nous profitons de ce moment de réception pour demander des infos et apprenons que le pays est en effet en état d'urgence et que le président mal-nommé tente un nouveau coup d'état.

Puis de nouveau notre téléphone est sourd et muet. Il faut dire que nous étions alors très près de l'Afghanistan et que nous avons dû profiter de l'aubaine (qui eût cru qu'un jour nous dirions cela ?) pour choper un réseau qui passait par là.

Nous poursuivons notre route, un peu moins sereins, jusqu'au moment où j'ai décidé de couper court aux remplissages inutiles de registres qui nous faisaient perdre une bonne demie-heure à chaque check-point (Nath, correcteur orthographique anglais stp). La malpolitesse a ses raisons que les militaires ignorent...

Arrivés au énième barrage militaire, je suis descendue, ai serré les mains des militaires en prenant mon air le plus Alliot-Mariesque possible (Dieu et l'éducation nationale et mes parents et mes amis et mes convictions me le pardonnent mais l'état d'urgence exige quelques retournements de tchador imprévisibles), me suis emparrée du dit-fucking-registre, ai griffoné dessus quelques vagues plaques d'immatriculation, une signature magistrale, ai intimé l'ordre à tous de ranger les passeports, de remonter en voiture, et nous sommes repartis, malgré la tasse de thé qui nous était, une fois de plus offerte et l'affolement de nos allemands pas du tout convaincus que ce soit correct et bien et courtois.

Les radios ont-elles bien fonctionné ensuite ? L'armée a-t-elle reçu l'ordre de chasser au plus vite cette diablesse occidentale du pays ? Toujours est-il qu'à chaque barrage, nous avons pu passer avec un rapide coucou et un numéro de plaque d'immatriculation. Et heureusement parce que les derniers kilomètres pour arriver à Quetta sont constitués par une route nommée "Lak-pass", qui n'est en fait pas une route mais un chemin cabossé et très raide, au point qu'un système de remonte-pente permet aux camions archi-chargés d'être hissés en haut par des tracteurs qui font la navette. Nombreux sont les camions et bus arrêtés sur le bord de la route, en panne ou immobilisés, le trafic y est impressionnant. Mais notre Toqué en chef s'en est tiré comme un pro.

A l'origine, nous pensions que Quetta serait la fin de la partie dangereuse de la route, or, en raison de l'état d'urgence, c'est à partir de ce moment-là que les militaires pakistanais nous ont accrochés, pour ne plus nous laisser.

Nous n'avons pas été mécontents d'être guidés pour traverser la ville et sa circulation dingue, hétéroclite et colorée. Les escortes se succédaient à chaque quartier, nous faisant passer des barrages policiers très nombreux, ce qui nous a permis de comprendre que visiblement la situation était assez sérieuse... Nous avons eu quelques péripéties avec un patron d'hôtel et avons fini par être obligés (par l'armée et l'hôtel) de dormir dans une immense chambre d'un grand hôtel. Les enfants étaient fous de joie, et nous... nous nous demandions comment dormir et se laver dans cette endroit archi crasseux. Les serviettes de toilette nous ont servi de tapis pour éviter les fourmis, la baignoire était percée mais les enfants ont pu s'y baigner longuement, Xtophe a un peu réparé les toilettes dont nous nous sommes servis le moins possible, nous avons tiré un canapé dans la chambre parce que nous voulions être tous dans la même pièce (c'était une suite messieurs-dames !) et que la porte ne fermait pas, nous avons dormi plus ou moins habillés et dans nos sacs de couchage, parce qu'il faisait froid mais vu que les rideaux avaient déjà commencé à brûler à cause de l'espèce de chauffage à gaz antémusharafien, mais nous avions pris un bon dîner que Penny et Brian avaient fait livrer dans notre suite et avions bien ri de la situation.

La nuit a été courte mais, contrairement à nos coéquipiers allemands trop fatigués, nous étions décidés à repartir à l'aube parce que même si les communications étaient rétablies les nouvelles que nous avons reçues par notre indic journaleux préféré (que nous remercions par la même occasion) confirmaient l'idée que nous ne devions pas traîner dans le coin.

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